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Les jours de juin 40

Récits des témoins, réunis par René Rioul

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Claude ROY (25 ans), veillée d’armes nocturne d’un caporal, dans son char embossé sur la rive gauche de la Loire

Posté le 22 avril 201917 juin 2019 par R. R.

Le caporal-chef Claude Roy – maintenu sous les drapeaux en septembre 1939, au moment précis où il avait terminé son service militaire – fait partie d’un bataillon de chars (des R 35, probablement) qui, pendant la drôle de guerre, a été cantonné au sud de la Sologne, sur les bords de la Sauldre.

Dès le 10 mai, le capitaine K., « lorrain, coriace […], Don Quichotte en veste de cuir », avait décidé de « sauver l’honneur, de faire face […], de se faire tuer sur place tant qu’on n’aurait pas reçu […] l’ordre de décrocher ». Au moment où le récit commence, son unité vient déjà de se battre, puisque le narrateur, sans donner davantage de détails sur ce qui s’est passé dans les jours précédents, mentionne la mort au combat de quatre de ses camarades. Le 16 juin, ayant levé « des troupes de hasard […], des restes de régiments et des miettes de bataillons », K. met à profit le peu d’avance qu’il a sur les Panzers pour prendre position à Saint-F. (si ces initiales ne sont pas destinées à nous égarer, il pourrait s’agir de Saint-Firmin, dans le Loiret), sur la rive gauche de la Loire. Tout donne à penser que les Allemands ont déjà franchi le fleuve plus en aval. « Il y avait un pont qu’on pourrait faire sauter, des collines où s’appuyer […]. Les cinq chars furent disposés en défilement de tourelles », c’est-à-dire que seul le haut dépasse de la crête qui les protège. Quelques canons antichars et des mitrailleuses complètent ce dispositif, qui n’a pas l’heur de plaire au maire de la petite ville, soucieux d’éviter à sa population destructions et représailles, d’autant qu’il est clair pour tous que ce combat de retardement ne changera pas le cours de la bataille : « – Combien de temps prétendez-vous pouvoir arrêter l’ennemi ? – Si tout va mal, dix minutes ; si tout va bien, une demi-journée. – Vous savez que la radio a annoncé que le Maréchal Pétain a demandé l’armistice ? – Je n’écoute jamais rien, que mon devoir. » Cette impertinence et cette témérité font la joie de Claude Roy et de ses camarades.

Exaltation nocturne au bord du fleuve

Dans la nuit du 16 au 17 juin, le char Coquelicot est posté tout à droite de cette ligne de résistance : « à notre gauche, la route, à notre droite, le fleuve ». À quatre cents mètres plus à gauche, de l’autre côté de la route, « un groupe hétéroclite, armé de bric et de broc, un canon antichar, trois FM, un mortier et quelques fusils ». Le caporal-chef Roy et son camarade Guillois, qui composent l’équipage du Coquelicot, le premier comme chef de char et tireur (servant un canon de 37 et une mitrailleuse), le second comme conducteur, échangent leurs impressions, couchés dans l’herbe. « Nous avouâmes, nous nous avouâmes que nous ne nous étions jamais (juste au milieu de ce très grand désastre, ce malheur, ce « deuil ») jamais tant amusé de nos vies […]. Cette nuit au bord de l’eau, qui nous trouvait vigilants, sans sommeil, acteurs d’une embuscade dérisoire où trois pelés et deux tondus attendaient de pied ferme, sans espoir que ça serve à quoi que ce soit, les milliers de « Panzers » de l’armée allemande, cette nuit dont nous n’étions pas trop sûrs de sortir vivants, c’était pour moi le moment d’une histoire qui n’avait que de très lointains rapports avec l’Histoire de France […], puisque – pour tout dire en un mot – la France était « au plus bas », et moi, autour de mes vingt ans, « au plus haut » ». Cette exaltation, ce sentiment de faire exactement ce qu’il faut, d’être en accord, sous la nuit étoilée, avec soi-même comme avec l’ordre du monde, apporte une note très spécifique et rare dans le triste concert qu’offre généralement juin 1940. Il n’est pas sans intérêt de remarquer que Claude Roy retrouvera bientôt cette joyeuse ivresse insolite dans les actions de la Résistance.

Les longues secondes d’un bref combat

À l’aube du 17 juin, les troupes allemandes apparaissent sur la route. « Alors la durée des choses qui surgissent commence à se déplier : ralentissement de ce qui en nous observe les accidents accélérés […]. On voit arriver avec une majesté lente ce qui se passe cependant en quelques secondes à peine ». L’équipage se précipite à son poste de combat. C’est l’affaire d’un instant. Claude Roy abat d’une rafale de mitrailleuse les deux éclaireurs motocyclistes. Surgissent alors, les uns après les autres, cinq Panzers. « Avec deux pièces antichar, et cinq chars en face de soi, en combien de secondes faudrait-il attraper de plein fouet tous les chars pour avoir une chance de s’en sortir ? ». Les canons, celui du char et celui du petit groupe de l’autre côté de la route, atteignent chacun un ou plusieurs chars adverses, détruits ou mis hors de combat. Il n’en reste plus qu’un seul à même de leur répliquer, mais Coquelicot est repéré, Guillois tente désespérément, en marche arrière, de le dégager, trop tard. « Le char est secoué par une énorme gifle de fer », les deux hommes de l’équipage en sautent et se sauvent. Leur char et ses munitions explosent. « Ce feu d’artifice protège notre retraite », et ils parviennent à rejoindre leur unité au moment où celle-ci, sur ordre, décroche : « Nous grimpâmes dans un camion qui nous emmena vers le sud ».

Le 20 juin, le caporal-chef Roy, sous sa toile de tente, se réveille d’un sommeil de treize heures dans un petit bois grouillant de troupes de toutes armes, au bruit d’un « vacarme de chaudronnerie forestière », l’ordre est de détruire le matériel, ou du moins tout ce qui peut l’être, à coup de masse. « J’ai gardé depuis, d’avoir « servi » dans les chars, une demi-surdité ». Il reçoit aussi l’ordre de brûler, absurdement, papiers militaires et personnels, avant d’être fait prisonnier.

Claude ROY (1915-1997), Moi Je, essai d’autobiographie, Gallimard, 1969, 478 p. – juin 1940 : « Une nuit blanche », p. 31-47 ; « Feu de joie », p. 179-187, et passim. En septembre, il sera tiré de son « frontstalag » près de Verdun pour participer à un commando agricole. Grâce à la complicité d’une jeune Lorraine dont il a fait la conquête, il se cache plusieurs jours dans une vieille casemate et réussit à s’évader. Il débarque à Paris en octobre, pour apprendre la mort sur le front de ses deux cousins.

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